13

Quand Wallander revint au commissariat, un peu avant neuf heures et demie, la jeune réceptionniste lui annonça qu’un visiteur l’attendait dans son bureau. Pour une fois, Wallander sortit de ses gonds et se mit à jurer et à crier après la jeune femme qui travaillait là pour l’été. Il hurla qu’il était interdit de laisser qui que ce soit entrer dans son bureau. Puis il traversa le couloir en quelques grandes enjambées nerveuses et ouvrit brutalement la porte.

Son père était assis dans le fauteuil et le regardait.

— Incroyable ce que tu peux tirer fort sur les portes, dit son père. On croirait presque que tu es en colère.

— On m’a seulement dit que quelqu’un m’attendait dans mon bureau, s’excusa Wallander, stupéfait. Mais pas que c’était toi.

C’était la première fois que son père venait lui rendre visite sur son lieu de travail. Durant les années où Wallander avait travaillé en uniforme, son père avait toujours refusé de le laisser entrer chez lui, sauf quand il était en civil. Mais il était là, dans le fauteuil, et il avait mis son plus beau costume.

— Ça alors, je suis vraiment étonné, dit Wallander. Qui t’a amené jusqu’ici ?

— J’ai une femme qui a un permis de conduire et une voiture, répondit son père. Elle est partie voir sa famille pendant que je venais te rendre visite. Tu as vu le match cette nuit ?

— Non. Je travaillais.

— C’était superbe. Je me souviens de 1958, quand la Coupe du monde s’était déroulée en Suède.

— Mais tu n’as jamais été intéressé par le football.

— J’ai toujours aimé le football.

Wallander le regarda avec étonnement.

— Je ne le savais pas.

— Il y a beaucoup de choses que tu ne sais pas. En 1958, la Suède avait un arrière qui s’appelait Sven Axbom. Je me souviens qu’il avait eu de grosses difficultés avec un des avants du Brésil. Tu as oublié ?

— J’avais quel âge, en 1958 ? J’étais à peine né.

— Tu n’as jamais eu vraiment de goût pour le ballon. C’est peut-être pour ça que tu es devenu policier.

— J’avais parié que la Russie gagnerait.

— Je veux bien te croire. Moi-même j’ai parié 2-0. Par contre, Gertrud a été plus prudente. Elle pensait que ce serait 1-1.

— Tu veux du café ?

— Oui, volontiers.

Wallander alla chercher du café. Dans le corridor, il rencontra Hansson.

— Peux-tu t’arranger pour qu’on ne me dérange pas dans la demi-heure qui vient ? dit-il.

Embarrassé, Hansson fronça les sourcils.

— Il me faut impérativement te parler.

Le langage précieux de Hansson énerva Wallander.

— Dans une demi-heure, répéta-t-il. Dans une demi-heure, tu pourras me parler autant que tu voudras.

Il retourna dans son bureau et ferma la porte. Son père prit le gobelet en plastique entre ses deux mains. Wallander s’installa derrière son bureau.

— Je ne m’attendais vraiment pas à ça, dit-il. Je n’aurais jamais cru te voir un jour au commissariat.

— C’est inattendu pour moi aussi, dit son père. Je ne serais pas venu si ce n’était pas absolument indispensable.

Wallander reposa son gobelet sur son bureau. Il aurait dû se dire tout de suite qu’il était arrivé quelque chose de très important, pour que son père vienne le voir au commissariat.

— Il s’est passé quelque chose ?

— Rien, sinon que je suis malade, répondit son père calmement.

Wallander sentit son estomac se nouer.

— Comment ?

— Je suis en train de perdre la tête, poursuivit son père sans se préoccuper de sa réaction. C’est une maladie qui a un nom dont je ne me souviens plus. C’est comme de devenir sénile. Mais on peut devenir méchant. Et ça peut aller vite.

Wallander savait de quoi son père parlait. La mère de Svedberg avait eu cette maladie. Mais il n’arrivait pas non plus à se souvenir du nom.

— Comment le sais-tu ? Tu as été chez le médecin ? Pourquoi n’as-tu rien dit avant ?

— Je suis même allé voir un spécialiste à Lund. C’est Gertrud qui m’a emmené.

Il se tut et but son café. Wallander ne savait pas quoi dire.

— En réalité, je suis venu te demander quelque chose.

Au même instant, le téléphone sonna. Wallander décrocha et raccrocha sans répondre.

— J’ai le temps, je peux attendre, dit son père.

— J’ai signalé que je ne voulais pas qu’on me dérange. Dis-moi plutôt ce que tu veux.

— J’ai toujours rêvé de l’Italie, dit son père. Je voudrais y aller avant qu’il ne soit trop tard. Et je me disais que tu pourrais venir avec moi. Gertrud n’a rien à faire en Italie. Je crois qu’elle n’a même aucune envie d’y aller. Et c’est moi qui paie tout. J’ai ce qu’il faut.

Wallander regarda son père. Assis dans le fauteuil, il avait l’air petit et tassé. C’était comme s’il était instantanément devenu aussi vieux qu’il l’était réellement. Bientôt quatre-vingts ans.

— Bien sûr que nous irons en Italie, dit Wallander. Quand avais-tu pensé que nous partirions ?

— Il vaut mieux ne pas trop attendre. J’ai entendu dire qu’en septembre il ne fait pas trop chaud. Mais auras-tu le temps ?

— Je peux prendre une semaine de vacances sans problème. Comptais-tu partir plus longtemps ?

— Une semaine, ça ira.

Son père se pencha pour reposer son gobelet. Puis il se leva.

— Je ne vais pas te déranger plus longtemps. Je vais aller attendre Gertrud là-bas.

— Il vaut mieux que tu restes assis ici.

Son père leva sa canne en signe de refus.

— Tu as plein de choses à faire. Je ne sais pas quoi, mais plein de choses. J’attendrai là-bas.

Wallander l’accompagna dans le hall où il s’assit dans un canapé.

— N’attends pas ici, dit son père. Gertrud ne va pas tarder.

Wallander hocha la tête.

— Bien sûr, nous allons partir pour l’Italie, dit-il. Je passe te voir dès que j’ai un moment.

— Ce sera peut-être un voyage agréable. On ne sait jamais.

Wallander le quitta et alla voir la jeune réceptionniste.

— Excuse-moi, dit-il. Tu as bien fait de faire attendre mon père dans mon bureau.

Il retourna dans son bureau. Il se rendit compte qu’il avait les larmes aux yeux. Même si sa relation avec son père était plutôt difficile, lourde de mauvaise conscience, savoir que son père était en train de s’éloigner de lui le remplissait de tristesse. Il alla à la fenêtre et regarda dehors le beau temps estival. Il fut un temps où nous étions si proches que rien ne pouvait venir s’interposer entre nous. C’était l’époque où des hommes d’affaires venaient dans leurs rutilants bolides américains t’acheter des tableaux. Tu parlais déjà à l’époque d’aller en Italie. Une autre fois, il y a quelques années, tu avais commencé à partir pour l’Italie. C’est moi qui t’avais retrouvé, en pyjama, une valise à la main, en plein champ. Mais maintenant nous allons le faire, ce voyage. Et rien ne pourra nous en empêcher.

Wallander retourna à son bureau et appela sa sœur à Stockholm. Un répondeur téléphonique lui indiqua qu’elle serait de retour dans la soirée.

Il lui fallut un bon moment avant d’être capable de se concentrer à nouveau sur l’enquête. Il se sentait inquiet et constata qu’il avait du mal à rassembler ses idées. Il refusait encore d’admettre ce qu’il venait d’apprendre, d’accepter que ce fût vrai.

Après avoir vu Hansson, il fit un compte rendu détaillé et une évaluation de l’état d’avancement de l’enquête. Vers onze heures, il appela Per Åkeson pour lui donner son point de vue. Puis il rentra chez lui prendre une douche et se changer. À midi, il était de retour au commissariat. En allant dans son bureau, il passa prendre Ann-Britt Höglund. Il lui parla du morceau de papier avec des taches de sang qu’il avait trouvé derrière le baraquement de cantonnier.

— Tu as pu joindre les psychologues de Stockholm ?

— J’ai eu un dénommé Roland Möller, répondit-elle. Il était dans sa maison de campagne à côté de Vaxholm. Il faut juste que Hansson lui fasse une demande officielle en sa qualité de chef intérimaire.

— Tu le lui as dit ?

— Il l’a déjà faite.

— Bien. Changeons de sujet. Quand je dis que les criminels reviennent sur le lieu de leur crime, qu’est-ce que tu me réponds ?

— Que c’est à la fois un mythe et une réalité.

— De quel point de vue est-ce un mythe ?

— C’est un mythe de dire que ce serait une réalité générale. Quelque chose qui a toujours lieu.

— Et que dit la réalité ?

— Que ça arrive effectivement de temps en temps. Il me semble que l’exemple le plus classique dans notre histoire policière s’est passé ici, en Scanie. Le policier qui, au début des années cinquante, avait commis une série de meurtres et qui participait ensuite aux enquêtes.

— Ce n’est pas un bon exemple. Il était obligé de revenir. Je parle de ceux qui reviennent volontairement. Pourquoi le font-ils ?

— Pour défier la police. Pour leur amour-propre. Ou pour essayer d’apprendre ce que sait la police.

Wallander hocha pensivement la tête.

— Pourquoi me demandes-tu ça ?

— Il m’est arrivé un truc étrange, dit Wallander. J’ai eu le sentiment de voir quelqu’un là-bas à côté de la ferme de Carlman, que j’avais déjà vu sur la plage. Quand nous étions en train d’enquêter sur le meurtre de Wetterstedt.

— Qu’est-ce qui empêcherait que ce soit la même personne ?

— Rien, bien sûr. Mais cette personne-là avait quelque chose de particulier. Je n’arrive pas à trouver quoi.

— Je ne crois pas que je puisse t’aider.

— Je sais. Mais à l’avenir, je veux qu’on photographie le plus discrètement possible les gens qui viennent derrière les barrières.

— À l’avenir ?

Wallander se rendit compte qu’il avait dit un mot de trop. Il frappa trois coups de l’index sur le bureau.

— J’espère, bien sûr, qu’il ne se passera rien d’autre. Mais au cas où.

Wallander accompagna Ann-Britt jusqu’à son bureau. Puis il se dirigea vers la sortie. Son père n’était plus sur le canapé de l’accueil. Il alla manger un hamburger à un kiosque à une sortie de la ville. Il lut sur un thermomètre qu’il faisait 26 degrés. À douze heures quarante-cinq, il était de retour au commissariat.

 

Ce jour de Saint-Jean, la conférence de presse qui eut lieu au commissariat d’Ystad fut mémorable dans le sens où Wallander sortit complètement de ses gonds et quitta la salle avant la fin. Il refusa de présenter ses excuses. La plupart de ses collègues pensaient d’ailleurs qu’il avait eu raison. Le lendemain, Wallander reçut cependant un appel téléphonique de la direction de la police au cours duquel un gradé, un chef de service à la voix décidée, lui notifia qu’il était tout à fait intolérable que des policiers parlent en termes injurieux à des journalistes. Les relations entre les médias et la police étaient suffisamment tendues comme ça depuis un certain temps, ce n’était pas utile d’en rajouter.

C’est vers la fin de la conférence de presse que l’incident s’était produit. Un envoyé spécial d’un quotidien du soir avait commencé à attaquer Wallander en lui posant des questions détaillées sur la manière dont le meurtrier inconnu avait scalpé ses victimes. Wallander avait tenté jusqu’au bout de maintenir la conférence de presse à un niveau décent en évitant de donner des détails trop sanglants. Il s’était contenté de dire qu’une partie du cuir chevelu de Wetterstedt et de Carlman avait été arrachée. Mais le journaliste n’avait pas lâché prise. Il avait continué à exiger des détails bien qu’à ce stade Wallander eût refusé d’en donner pour des raisons techniques liées à l’enquête. À ce point de la conférence, Wallander commençait à avoir sérieusement mal à la tête. Quand le journaliste l’avait accusé de s’être retranché dès le début derrière des raisons techniques pour ne pas donner plus de détails sur les scalps et l’avait taxé d’hypocrisie, Wallander en avait eu assez. Il s’était levé après avoir donné un grand coup de poing sur la table.

— Je ne tolérerai pas qu’un journaliste prétentieux qui n’a aucun sens des limites vienne dicter son travail à la police ! avait-il hurlé.

Les flashes avaient crépité. Puis il avait mis rapidement fin à la conférence de presse et avait quitté la salle. Une fois calmé, il était allé présenter ses excuses pour ses débordements à Hansson.

— Je doute que ça modifie énormément les gros titres de certains journaux demain, avait répondu Hansson.

— Il fallait montrer qu’il existe des limites, avait dit Wallander.

— Je te soutiens, bien sûr. Mais je pense que ce ne sera pas le cas pour d’autres.

— On peut me suspendre. On peut me mettre au rancart. Mais on ne pourra jamais m’obliger à présenter des excuses à ce foutu journaliste.

— Ces excuses seront sans doute présentées très discrètement par la direction de la police au rédacteur en chef du journal. Sans que nous soyons mis au courant.

 

À quatre heures de l’après-midi, les enquêteurs s’enfermèrent dans la salle de réunion. Hansson avait donné l’ordre strict qu’on ne les dérange sous aucun prétexte. À la demande de Wallander, un véhicule de police était allé chercher Per Åkeson. Wallander savait que les décisions qu’ils prendraient cet après-midi seraient très importantes. Ils allaient devoir chercher dans de nombreuses directions à la fois. Toutes les portes devaient rester grandes ouvertes. En même temps, il sentait qu’il fallait se concentrer sur la piste principale. Après qu’Ann-Britt Höglund lui eut donné deux comprimés pour calmer sa migraine, Wallander s’enferma cinq minutes pour réfléchir une nouvelle fois aux confidences de Lars Magnusson et au fait qu’il existait un point commun entre Wetterstedt et Carlman. Ou bien y avait-il autre chose qui lui avait échappé ? Il scruta son cerveau fatigué sans y trouver de raison majeure de changer d’opinion. Jusqu’à nouvel ordre, ils allaient concentrer leurs enquêtes sur la piste principale, qui tournait autour du milieu artistique et du trafic d’œuvres d’art volées. Il fallait fouiller dans des rumeurs concernant Wetterstedt, vieilles de trente ans, et il fallait le faire rapidement. Wallander ne se faisait aucune illusion sur l’aide qu’ils obtiendraient. Lars Magnusson avait parlé des entrepreneurs de pompes funèbres qui faisaient le ménage dans la demeure des serviteurs du pouvoir, dans les salles éclairées comme dans les zones d’ombre. C’étaient ces zones d’ombre qu’il leur fallait éclairer de leurs torches, et ce serait très difficile.

La réunion qui commença à seize heures précises fut la plus longue à laquelle Wallander ait jamais participé. Ils restèrent ensemble pendant près de neuf heures avant que Hansson puisse lever la réunion. Ils étaient alors tous blêmes de fatigue. Le tube de comprimés d’Ann-Britt Höglund avait fait le tour de la table et était revenu vide. Une montagne de gobelets de café s’entassait sur la table. Des cartons de pizzas à moitié mangées étaient empilés dans un coin de la pièce.

Wallander avait cependant le sentiment que cette longue réunion du groupe des enquêteurs avait aussi été une des meilleures qu’il ait connues en tant que policier de la brigade criminelle. La concentration n’avait jamais faibli. Tous avaient présenté leurs points de vue, et l’organisation de l’enquête résultait de leur volonté commune d’avancer de manière logique. Svedberg commença par faire le point sur les conversations téléphoniques qu’il avait eues avec les deux enfants de Gustaf Wetterstedt et avec sa dernière femme : ils n’avaient toujours pas de mobile plausible. Hansson avait également pris le temps d’aller voir l’homme de quatre-vingts ans qui avait été secrétaire du parti à l’époque où Wetterstedt était ministre de la Justice, sans que rien de remarquable n’en découle. Il avait obtenu confirmation du fait que Wetterstedt était controversé au sein du parti. Mais personne n’avait jamais pu mettre en doute sa loyauté à l’égard du parti. Martinsson avait eu un long entretien avec la veuve de Carlman. Elle semblait parfaitement calme, même si elle paraissait sous l’influence de tranquillisants. Ni elle ni aucun de ses enfants ne voyaient de mobile évident. Wallander rapporta de son côté sa conversation avec Sara Björklund, la « bonniche ». Il rappela également que l’ampoule de la lampe à côté du portail avait été dévissée. Pour conclure la première partie de la réunion, il parla du morceau de papier taché de sang qu’il avait trouvé derrière le baraquement de cantonnier.

Aucune des personnes présentes ne remarqua que, pendant tout ce temps, Wallander pensait à son père. Plus tard, il demanda à Ann-Britt Höglund si elle avait remarqué sa difficulté à se concentrer pendant toute cette soirée. Elle en fut très surprise. Il lui avait semblé plus attentif et plus décidé que jamais.

À vingt et une heures, Wallander aéra la pièce à fond et proposa une pause. Martinsson et Ann-Britt allèrent téléphoner chez eux, et Wallander parvint enfin à joindre sa sœur. Elle se mit à pleurer quand Wallander lui parla de la visite de son père, et lui annonça qu’il était en train de s’éloigner d’eux. Wallander essaya de la réconforter de son mieux, mais il dut lui-même lutter contre une boule au fond de sa gorge. Finalement, ils convinrent qu’elle appellerait Gertrud le lendemain et qu’elle passerait les voir dès que possible. Avant de raccrocher, elle demanda si leur père supporterait un voyage en Italie. Wallander répondit qu’il ne savait pas, ce qui était vrai. Mais il défendit le projet, lui rappelant que leur père rêvait d’aller en Italie au moins une fois dans sa vie depuis qu’ils étaient enfants.

Pendant la pause, Wallander tenta également de joindre Linda. Au bout de quinze sonneries, il laissa tomber. Énervé, il décida de lui offrir un répondeur.

De retour en salle de réunion, Wallander commença par évoquer le lien entre les deux crimes. C’était ce lien qu’il leur fallait rechercher, sans pour autant exclure d’autres hypothèses.

— La veuve de Carlman est certaine que son mari n’a jamais eu quoi que ce soit à faire avec Wetterstedt, dit Martinsson. Ses enfants non plus n’en ont jamais entendu parler. Ils ont cherché dans tous ses carnets d’adresses sans trouver le nom de Wetterstedt.

— Arne Carlman ne figure pas non plus dans le carnet d’adresses de Wetterstedt, dit Ann-Britt.

— Donc ce lien est invisible, dit Wallander. Invisible, ou plutôt dans l’ombre. Nous devons trouver une relation quelque part. Si nous y arrivons, nous pourrons peut-être entrevoir l’ombre d’un criminel possible. Ou du moins un mobile plausible. Il va falloir creuser profondément et rapidement.

— Avant qu’il ne frappe à nouveau, dit Hansson. Personne ici ne sait s’il va le faire.

— Nous ne savons pas non plus qui mettre en garde, dit Wallander. La seule chose que nous savons sur le criminel, ou sur les criminels, c’est qu’ils prévoient ce qu’ils vont faire.

— Le savons-nous vraiment ? l’interrompit Per Åkeson. Cette conclusion me paraît trop hâtive.

— En tout cas, rien n’indique que nous ayons ici affaire à un meurtrier occasionnel qui, en plus, aurait une envie spontanée d’arracher les cheveux de ses victimes, répondit Wallander, sentant l’irritation monter en lui.

— C’est la conclusion qui me gêne, dit Per Åkeson. Loin de moi l’idée de nier des indices.

L’ambiance devint un instant très tendue dans la salle. La tension qui montait entre les deux hommes ne pouvait échapper à personne. En situation normale, Wallander n’aurait pas hésité à se disputer avec Åkeson. Mais ce soir-là, il décida de battre en retraite. Il se sentait très fatigué et il savait que la réunion allait durer encore plusieurs heures.

— Je suis d’accord, dit-il simplement. Effaçons cette conclusion et contentons-nous de dire que le criminel prévoit probablement ce qu’il va faire.

— Un psychologue va venir dès demain, dit Hansson. Je vais aller le chercher à Sturup. Espérons qu’il pourra nous aider.

Wallander hocha la tête. Puis il lâcha une question qu’en fait il n’avait pas préméditée. Mais c’était le bon moment.

— L’assassin. Considérons pour simplifier, pour le moment qu’il s’agit d’un homme et d’un seul. Comment le voyez-vous ? Qu’en pensez-vous ?

— Un homme fort, dit Nyberg. Le coup de hache a été donné avec une force terrible.

— Le fait qu’il collectionne des trophées me fait peur, dit Martinsson. Il n’y a qu’un fou pour faire un truc pareil.

— Ou quelqu’un qui veut nous orienter vers une fausse piste avec ces scalps, remarqua Wallander.

— Je n’ai aucune opinion, dit Ann-Britt Höglund. Mais il doit s’agir de quelqu’un de très perturbé.

La question du criminel resta finalement en suspens. Wallander rassembla tout le monde pour refaire un dernier point, établir le programme de l’enquête et répartir les tâches. Per Åkeson se retira vers minuit après les avoir tous assurés de son concours s’ils avaient besoin de renforts. En dépit de leur fatigue, Wallander refit encore une fois la liste des tâches en suspens.

— Aucun d’entre nous ne risque de dormir beaucoup dans les jours qui viennent, dit-il pour conclure. En plus, il est probable que l’organisation de nos vacances va être pas mal chamboulée. Mais nous devons travailler de toutes nos forces. Il n’y a pas d’autre solution.

— Il nous faut des renforts, dit Hansson.

— Voyons ça lundi, dit Wallander. Attendons lundi.

Ils décidèrent de se réunir à nouveau le lendemain dans l’après-midi. Avant la réunion, Wallander et Hansson feraient le point de la situation avec le psychologue venu de Stockholm.

Puis ils se séparèrent et chacun partit de son côté.

Wallander resta à côté de sa voiture à regarder le pâle ciel nocturne.

Il essayait de penser à son père.

Mais il y avait tout le temps quelque chose qui l’en empêchait.

La peur qu’un meurtrier inconnu ne frappe à nouveau.

Le guerrier solitaire
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